Les procédés de dépulpage

publication le 01 mai, 2024 — par Marc-Alexandre Emond-Boisjoly — 10 mins de lecture —


Le petit grain vert que nous utilisons pour vous fournir cet or noir que vous appréciez tant n’est pas si simple à obtenir. C’est dans les fermes, souvent à l’autre bout du monde, que la cerise du caféier est transformée en grain vert prêt à l’envoi.
Cette transformation a un seul et unique but : que le grain de café atteigne un taux d’humidité entre 10% et 12% tout en gardant ses caractéristiques de variété et de terroir.
Le processus peut paraître simple : une fois récoltée, les cerises sont triées, nettoyées de leur chair et mises à sécher pour atteindre le bon taux d’humidité, le grain est ensuite nettoyé de sa dernière pellicule, trié et évalué avant d’être emballé et expédié.
Une main tient une cerise de café mure

Ce que nous appelons procédé de dépulpage (procédé par la suite) regroupe les étapes entre la cerise entière et le dernier nettoyage, nous allons démystifier cette boîte noire dans une série d'articles.

Dans cet article, nous allons voir les 3 procédés les plus utilisés. Depuis quelques années, nous avons vu émerger de nouveaux termes : anaérobie, macération carbonique, co-fermentation… Nous verrons dans nos autres articles qu’il s’agit en réalité d’étapes supplémentaires au sein de ces 3 procédés.

Naturel

Le procédé naturel est le procédé le plus simple pour extraire le grain de café. Les cerises sont mises à sécher entières sur des grillages ou à même le sol et sont retournées régulièrement pour éviter qu’elles ne pourrissent. Le grain de café fermente au sein de sa cerise, ce qui lui permet de développer des arômes de fruits et du sucre. Cette méthode, bien qu’ayant une seule étape, doit être surveillée de prêt : si les cerises ne sont pas régulièrement retournées ou si elles sèchent trop vite, le café peut développer un goût de fermentation désagréable.

Parfaitement maîtrisée, cette méthode donne des cafés onctueux, intenses, avec une belle sucrosité, ayant souvent de fortes notes de fruits cuits.

Lavé

Le procédé lavé, plus stable, est une méthode humide développée principalement dans les pays où l’accès à l’eau est facile et peu coûteux. La cerise est tout d’abord nettoyée de sa peau et de sa pulpe à l’aide d’un moulin. Le grain est ensuite fermenté en cuve, avec ou sans eau, ce qui va finir de nettoyer le grain de toute sa pulpe, ne laissant que la pellicule argentée (ou parchemin). Le grain vert est ensuite lavé et mis à sécher pour atteindre le bon pourcentage d’humidité.

Cette méthode donne des cafés vibrants, propres, plus souvent acidulés et peu sucrés.

Grains de café lors d'un procédé de dépulpage de type honey. Image fournie par Coffee Quest

Honey

Le procédé “honey”, aussi appelé miel, ou naturel dépulpé, ou partiellement dépulpé, est une méthode combinant le procédé lavé et le procédé naturel. Cette méthode est plutôt récente, elle est apparue dans les années 90 pour produire des cafés ayant des caractéristiques de cafés lavés mais en utilisant moins d’eau. La cerise est d’abord partiellement dépulpée mécaniquement, comme un lavé, puis mise à sécher, comme un naturel. Plusieurs catégories de procédés miel existent, suivant la quantité de pulpe laissée sur le grain avant d’être mis à sécher : noir, rouge, jaune et blanc.

Cette méthode permet d’obtenir des cafés fruités, plus funky, tout en gardant une tasse plutôt claire et vibrante avec une belle sucrosité.

Conclusion

Les procédés de dépulpage sont une étape cruciale pour obtenir un grain de café vert de qualité. Les procédés vu aujourd'hui sont la base de tous les traitements traditionnels ou expérimentaux qui sont développés dans les fermes et dans les stations de lavage.

Par exemple au Kenya : une fois parfaitement nettoyés, les grains peuvent avoir un 2ème bain d'eau claire. Ce bain est une étape pratique : en haute saison, les stations de lavage reçoivent tellement de cerises, qu'ils n'ont pas assez de place sur les lits de séchage pour étendre la totalité des récoltes. Les grains doivent donc attendre leur tour dans un endroit frais à l'abri de tout insecte. Ils attendent donc dans de l'eau. Cette méthode est aussi appelée double lavage.

Ou au Guatémala, où de nombreux fermiers font une pré-fermentation : une fois triées, les cerises attendent entières 24h à température pièce. La cerise suit ensuite son cours normal de dépulpage (par méthode humide ou sèche).

Il y a encore quelques années, ces traitements étaient traditionnels à certains pays, ce qui permettait d'identifier facilement les origines lors de cupping (un café très fruité venait généralement du Kenya, un acidulé et floral d'Éthiopie, un café plus chocolaté venait du Brésil). Depuis quelques années, les producteurs expérimentent avec la fermentation, principalement pour apporter de la nouveauté sur le marché et augmenter la qualité des cafés (et donc leurs revenus). Ils ajoutent des étapes de fermentation, ajoutent des levures ou d'autres fruits à leurs bacs de fermentation, jouent avec les temps et les températures. Ces nouvelles méthodes sont passionnantes et intrigantes, mais mélangent aussi les cartes : un café très fruité peut être colombien. La transparence est d'autant plus importante maintenant que de nouvelles méthodes émergent.

Dans les articles suivants, nous aborderons la fermentation, ses différentes utilisations et son impact sur le grain de café et la qualité de la tasse finale.

Merci à Sebastian Ramirez, Carolina Ramirez (Unblended), Coffee Quest et David Batres pour les photos.

Références

[1] https://www.scottrao.com/blog/2017/10/23/looking-beyond-origin-for-flavor-diversity

N. A. Febrianto, F. Zhu, “Coffee bean processing: Emerging methods and their effects on chemical, biological and sensory properties”, Food Chemistry, 2023 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S030881462300105X

P. Poltronieri, F. Rossi, “Challenges in Specialty Coffee Processing and Quality Assurance”,  Food Microbiology: Technologies and Processes, Microbiology Analysis Methods, and Antimicrobials, 2016 https://www.mdpi.com/2078-1547/7/2/19

M. C. Batista da Mota, N. N. Batista, M. H. Sances Rabelo, D. E. Ribeiro, F. Meira Borém, R. Freitas Schwan, “Influence of fermentation conditions on the sensorial quality of coffee inoculated with yeast”, Food Search International, Vol 136, Octobre 2020 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S096399692030507X

B.Girma, A. Sualeh, “A Review of Coffee Processing Methods and Their Influence on Aroma”, International Journal of Food Engineering and Technology, 2022 https://www.researchgate.net/profile/Abrar-Sualeh/publication/359746797_Bealu_Girma_Abrar_Sualeh_A_Review_of_Coffee_Processing_Methods_and_Their_Influence_on_Aroma/links/624ca2bdd726197cfd3e1403/Bealu-Girma-Abrar-Sualeh-A-Review-of-Coffee-Processing-Methods-and-Their-Influence-on-Aroma.pdf

S. Knopp, G. Bytof & D. Selmar, "Influence of processing on the content of sugars in green Arabica coffee beans", Eur Food Res Technol 223, 2006 https://doi.org/10.1007/s00217-005-0172-1



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